Et brusquement, le monde rassurant s’écroule. Le père de Nina part, son frère s’endurcit, sa mère se met au lit. Elles vont désormais rester toutes les deux. Nina guette les infimes variations de la présence de sa mère, dans le souffle de sa respiration ensommeillée, dans les silences de sa mélancolie. L’étau se resserre, les instants de joie hors de la maison sont des moments volés. L’enfant le sait, sa mère est devenue incapable de survivre sans elle. Personne ne doit deviner ce qui leur manque. Parfois, lorsque Nina est seule, l’odeur de la forêt revient. Celle de bois pourri, de fougère et de mousse trempée.
« Elle m’exaspère d’autant plus que je hais cette étreinte intérieure me saisissant dans le même temps, cette impression d’être injuste, mauvaise, dure face à son visage peiné, à la toute petite fille qu’elle paraît être à cet instant.
– Maman, te couche pas trop tard…
– T’inquiète pas, répond-elle avec son sourire à fendre mon coeur, cette tristesse qui reprend le pouvoir et se mêle à la tendresse furieuse que j’éprouve pour elle. Je la laisse seule et ferme la porte de ma chambre, m’allonge sur ma couette, coupable et courroucée de l’être. »